Modes d'emploi - Jour 1

Peu de choses me rendent aussi heureuse le jour de Noël que la lecture du mode d'emploi ou du livret d'instructions accompagnant le bidule que je viens de déballer - ou que quelqu'un d'autre a déballé, à y bien réfléchir. Minuit dix le vingt-cinq décembre me trouve, la plupart du temps, le nez plongé dans le déchiffrement heureux des petits caractères que la majorité ne prendra jamais même le temps de survoler.

Je tairai ici les sarcasmes et commentaires que me valent les délices et le contentement de cette habitude. C'est que, voyez-vous, la lecture d'un mode d'emploi est semblable à un moment de recueillement où je prends possession de l'âme d'une chose inconnue qui me livre, avant de l'avoir même touchée, ses moindres secrets. Les gens ignorent tant des délicats mystères des choses qui les entourent. 

Depuis toujours, je ne peux m'empêcher de faire de même pour les gens. J'essaie de trouver leur mode d'emploi. J'aime les lire. J'aime leurs petits caractères. J'aime rencontrer leurs exceptions. Bien sûr, certains ne capturent qu'un bref instant mon attention. Mais la nature humaine est fascinante et nul ne pourra jamais nier son potentiel. Même lorsqu'elle est tordue.

À noter, tous ne valent pas la peine qu'on s'y attarde. Alors qu'il est un réel ravissement de découvrir des êtres lumineux dont la seule présence nous poussent à être meilleurs, il est malheureusement des êtres dont il vaut mieux ne pas pénétrer l'âme. La valeur de l'un n’est pas plus grande que l'autre : un mauvais mode d’emploi ne rend pas ce qu’il explique tout aussi mauvais.

Le passage des années m’apprend cependant qu’il vaut mieux se méfier des derniers. J’aimerais avoir un mantra, une bénédiction à leur offrir : ne dit-on pas des gens qui ne méritent pas notre attention qu’ils sont souvent ceux en ayant le plus besoin? Je n’ai pas cette grâce. La seule que je cultive alors me ramène à mon propre mode d’emploi. Mes petits caractères. Mes exceptions. 

Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.