2014/11/08

Courir - Jour 12

Fait: je me brosse toujours les dents avant de jogger. Comme si une haleine fraîche était garante d’une foulée pimpante.

J’aime quand la cadence de mes enjambées colle au rythme de la chanson que j’écoute. Mes muscles, mon cœur, mes poumons, l’environnement s’arrangent alors en un tout parfaitement cohérent.

J’aime le rush d’adrénaline qui suit l’effort. Comme si les neurones oscillaient de manière synchrone en dehors du sommeil. C’est aussi moelleux qu’un nuage.

J’aime la sensation de la peau moite, les perles de sueur qui gouttent sur ma nuque. Je suis une magnifique machine à réguler la température. Ça rend sexy, la régulation de sa température.

J’aime la sensation des muscles raidis par l’effort. Ça me fait sentir comme de la pâte à modeler quand je les étire. Je deviens Gumby.

Fait : jogger m’abandonne au moment présent. Comme si mon corps en mouvement vidait l’esprit en lui cédant toute la place.

Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.

2014/11/07

La pluie - Jour 11

J’adore les journées où le ciel me tombe sur la tête. Je deviens la pluie. Je deviens l’eau qui coule. Je souffle comme le vent dans mes cheveux. J’effleure comme les rafales sur mes joues. Je murmure des secrets.

Je suis comme le cycle de l’eau, une danse incessante. J’invente et me recycle, toujours nouvelle et toujours la même. Mon corps avance, se brûle et rapetisse : mon esprit avance, se déploie et enfle. Equilibrium.

Petite, j’habitais tout à côté d’une rivière. Le son de l’eau qui cavale était en trame de fond de tous mes jeux. Que dire du récital les jours de pluie! Le toit de tôle me livrait une symphonie. Rien ne m’apportait autant d’apaisement.

Je suis humble devant l’eau. Rien n’est plus mouvant, adaptable, souple et enveloppant. Rien n’est plus puissant, impérieux, dévastateur et indomptable. Insondable, elle est. La pluie me le rappelle.

Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.

2014/11/06

Vieille haïssable - Jour 10

Depuis que je vieillis, j’ai la critique facile. Avec l’âge me vient des attentes mieux définies, du temps que je ne veux plus perdre.

Je me demande si je ne suis pas à devenir haïssable ou rigide. L’incompétence me brûle. 
L’incongruence me tue. 
Le manque de vision m’exaspère. 
La rétention d’information m’assomme. 
Ne dit-on pas qu’aux bateaux sans port tous les vents sont contraires?

Oui, je me tape moi-même sur les nerfs parfois.

C’est que j’haïs courir après ma queue. D’autant plus que je n’en ai pas. Ça me donne mal au cœur.

Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.

2014/11/05

La musique - Jour 9

Au grand damne de mon entourage, je peux écouter en boucle la même chanson des dizaines de fois d’affilée sans me lasser. Soupirs et yeux qui roulent n’y changent rien. Je m’enferme dans les sons comme un papillon dans son cocon.

Je m’immerge et j’isole la partition de chaque instrument, chaque voix. Entendre la respiration des violonistes avant une reprise m’émeut. Je me mets à respirer au même rythme qu’eux. J’aimerais qu’on me joue comme une guitare.

Je carbure à certains rythmes, à certaines sonorités. J’aime les harmonies. Les interprètes qui se crachent l’âme. Qu’on me livre des angoisses, des messages lourds de sens. Les prodiges qui s'inventent et se réinventent, les authentiques, sont précieux.

L’exposition crée la dépendance. Je sublime. I expand.

Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.

2014/11/04

Vacuité - Jour 8

J’étais prise de vertiges, enfant, lorsque je regardais trop longtemps les étoiles. Je me demandais ce qu’il y avait après le vide. Dans le vide. Le vide avait-il précédé le vide? Avant le grand Boom, le vide était-il plein? Comment le vide avait-il pu créer quoique ce soit?

Je devais fermer les yeux pour échapper à la vacuité.

Plusieurs minutes s’écoulaient avant que le sentiment d’oppression ne disparaisse. C’était comme si mon corps devenait trop étroit, trop serré. Je respirais par petits coups pour éviter qu’il ne fende.

Un matin, j’avais questionné ma maîtresse d’école sur la chose. La religieuse avait pincé les lèvres et jeté un regard mauvais : ne me rappelais-je pas que tout était réglé selon l’ordre parfait établit par le Créateur? J’avais baissé les yeux, honteuse. Le Créateur avait créé toute chose : Il était, avait été et serait toujours.

Tous mes camarades de classe savaient maintenant que j’allais brûler en enfer dans des douleurs innommables et pour l’éternité. J’ai bien essayé de réciter des chapelets afin de me hausser la foi au niveau prescrit. En vain. C’était plus fort que moi. Au vide s’emmêlait maintenant le Créateur : qui avait engendré le Créateur? Le vide? Le Créateur avait-il donné naissance au vide? Le Créateur était-il le vide? À moins que le vide n’ait été plein du Créateur?

Je sais maintenant que je ne brûlerai pas en enfer. Mais je suis encore prise de vertiges quand je regarde trop longtemps les étoiles.

Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.

2014/11/03

Zut! - Jour 7

Extrait:
Après Babylone, Calvin Delétère est fabuleux, gargantuesque, hilarant! Insupportablement jaloux, Kurt Levaque, magicien narcissique outragé pour qui Roberta, sottement, tue une voluptueuse wagnérienne xénophobe yuppie...

Texte de 25 mots, chacun reprenant dans l'ordre les lettres de l'alphabet. La 26e est en titre.

Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.

2014/11/02

La discipline - Jour 6


Discipline
  1. Branche de la connaissance pouvant donner matière à un enseignement ; matière ;
  2. Ensemble de lois, d'obligations qui régissent une collectivité et destinées à y faire régner l'ordre : règlement ;
  3. Aptitude de quelqu'un à obéir à ces règles ;
  4. Obéissance, soumission aux règles que s'est données le groupe auquel on appartient ;
  5. Règle de conduite que l'on s'impose, maîtrise de soi, sens du devoir ;
  6. Sorte de fouet utilisé pour se flageller dans un but de mortification et de pénitence.


J'ai longtemps confondu discipline et routine. Si j'apprécie maintenant la première, l'essence de la seconde m'ennuie terriblement et, à la limite, m'horripile. Faire une chose pour la faire, toujours de la même façon, sans innovation... Misère! Le Taylorisme a eu du bon mais à maximiser le temps de toute production, ne rend-on pas l'individu apathique et ne supprime-t-on pas toute motivation? Que fait-on du désir de réalisation et de la liberté? Bénédiction que Maslow soit arrivé par la suite... Mais je m'éloigne.

Bref, j'ai rejeté farouchement la routine depuis mon plus jeune âge. Car cela m'ennuyait. Ça continue, d'ailleurs, de m'ennuyer. La société s'organise via une série d'obligations et de règles, une certaine forme de soumission et d'obéissance: chanceuse, je suis, d'avoir un Über-Ich (Surmoi) si bien développé et d’avoir découvert Camus, Sartre, Beauvoir et Cie au moment où je l’ai fait. Je comprends mieux, avec le recul, pourquoi je les ai dévorés avec tant d’avidité... Je m’éloigne encore.

Je disais donc que j’apprécie maintenant la discipline. Étant une 35/8, elle est un thème de vie pour moi - oui, ce genre de chose m'intéresse. Je ne la combat plus. Plutôt, je l’associe à la liberté. C’est presque mathématique : en m’imposant le comportement X, j’obtiens le bénéfice Y. En consacrant 2 heures à la planification des repas de la semaine et aux courses le dimanche, je profite de beaucoup plus de temps libre les soirs de la semaine à venir. Eating an apple a day keeps the doctor away. Quoique le mien est tellement charmant… Me voilà qui transgresse encore.

Finalement, ce que je voulais dire ici est que la discipline diffère largement de la routine de par l’implication et la volonté de l’individu dans l’exécution. La discipline relève de la maîtrise de la volonté d’un individu, non pas seulement des tâches à accomplir. Ça ne rend pas la préparation des repas plus excitante le dimanche mais lui ajoute un sens. N’est-ce pas là une merveilleuse façon de tromper la routine?
Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.